Taiji Quan style Chen (Tai Chi Chuan)
« 刚柔相济 » ; Gāng róu xiāng jì
« La fermeté et la douceur sont mêlées »
Définition
Sommaire
Taiji Quan signifie « boxe du fait suprême » (Souvent écrit Tai Chi Chuan ou T’ai chi ch’uan).
Le Taiji Quan est un art martial (武术 ; wǔshù) d’origine Chinoise ayant vu le jour au 17ème siècle à Chenjiagou dans le Henan au sein d’une famille nommée Chen. Sa pratique a pour objectif de développer des compétences (功夫 ; gōngfū1), sur le plan prophylactique et sur l’efficacité au combat.
Il fait partie des arts-martiaux internes (内家 ; nèijiā), qui développent l’énergie interne (内功 ; nèigōng), en comparaison aux styles externes (外家 ; wàijiā), qui développent l’énergie externe (外功 ; wàigōng). Les Qigong (气功 ; qìgōng : travail de l’énergie, ou, compétences énergétiques) proviennent très majoritairement des arts-martiaux2.
Le Taiji Quan s’inscrit parmi les Qigong dynamiques. On dit aussi qu’il est un Qigong de haut niveau. Il est considéré comme une branche de la médecine chinoise, étant depuis plusieurs décennies assimilé massivement par la population Chinoise comme une pratique prophylactique courante, et employé cliniquement à des fins thérapeutiques.
L’utilisation du terme Taiji (fait suprême), qui est d’origine Taoïste signifiant la « grande unité suprême » par l’interdépendance et l’équilibre des opposés (Yin et Yang), montre le respects des classiques de la pensée chinoise dans son élaboration, et est en cela une possible voie d’accomplissement spirituelle.
Ces classifications sommaires montrent que le Taiji Quan s’inscrit à tous les niveaux du développement de l’homme, et que cet art peut donc s’aborder pour chacun avec des objectifs variants, même s’il existe certaines règles de progression commune.
Le Taiji Quan se pratique régulièrement, et à l’aide de forme codifiées, le plus souvent seul, mais aussi à deux. Ces formes codifiées sont :
- Le YiLu – 1ère forme – Forme lente. Forme qui développe le GongFu.
- ErLu – 2ème forme – Forme rapide. Forme accès sur les utilisations.
- Tuishou – Travail à deux. Afin d’apprendre à utiliser.
- Les Chansigong. Exercices connexes n’ayant pas de codification traditionnelle stable. Ils sont des exercices de bases, ou des fondamentaux, utilisés en particulier lors du travail interne.
- Les armes. Il existe une forme codifiée pour chaque arme. Il en existe une 10ène parmis les plus courantes.
L’art martial et les valeurs
L’art martial fût dans la Chine ancienne la technique militaire utilisant tout le savoir faire physique et stratégique allié à la technologie de pointe en matière d’armement. Le combat à main nue est considéré comme inutile pour la majorité des généraux et chefs de garnisons qui s’intéressent à la victoire sur le terrain. Seuls les plus érudits en comprennent l’importance et la portée, les armes étant une extension des mains. Issues de cette expérience militaire, les techniques sont employées par des familles en vu d’établir une stabilité sociale. Des clans se constituent autour de ces communautés, des milices locales sont formés par ces experts, et afin de garantir la lignée, les techniques les plus avancées sont réservées aux membres de la famille proche (les enfants, dont l’ainé de préférence, et les belles-filles qui rentrent dans la famille). La bonne santé n’est pas l’objectif ultime de cette pratique, mais la condition indispensable à une efficacité durable.
Ainsi pour la famille Chen, l’approche martiale vient dans l’apprentissage lorsque la maîtrise technique est là, que le niveau d’énergie est suffisant, (implicitement une bonne santé, bonne vitalité, un dos souple et capable de changer dans toutes les directions). Pour cela, un premier travail à main nu est nécessaire et doit débuter dès le plus jeune âge, lorsque les os et les réflexes primaires se constituent. Ensuite il faut apprendre le travail à deux pour développer l’écoute et obtenir les réflexes de positionnement face à l’adversaire (on dit : se connaître soi même et connaître l’autre). Progressivement l’étudiant va vers le combat libre, l’étude des frappes, des projections, des luxations, des blocages et l’utilisation des armes.
Le Taiji Quan comme les autres arts martiaux voit son rôle social s’amenuiser lors de la révolution culturelle (qui est aussi une révolution industrielle), lorsque les armes à feu sont démocratisées. La formation de milice est délaissée au profit d’un aspect de défense personnelle (self-défence), qui porte en elle les valeurs morales issues de cette volonté de paix sociale et de transmission familiale. Certaines anecdotes font encore état au 20ème siècle de pratiquants prestigieux ayant affronté et mis en pièces des bandits notables du comté de Wenxian persécutant la population.
« 一功二胆三技巧 » ; Yī gōng èr dǎn sān jìqiǎo
« En un émérite, en deux courage, en trois habilité »
Les différents « styles »
Le style Chen vient du nom de la famille d’origine au sein de laquelle le Taiji Chuan s’est développé et qui se transmettra durant 5 générations sans en sortir. Puis voient le jour, les styles ; Zhaobao (du nom d’un village voisin, où l’un des membre de la famille s’est installé) ; puis le style Yang (du nom du premier disciple officiel ne faisant pas partit de la famille, Yang LuChan), ainsi que deux variantes au sein du style Chen ; la grande forme (dajia) ; et la petite forme (xiaojia). Par la suite, le style Yang donnera naissance à d’autres styles, et les familles s’agrandissant et s’éclatant, un grand nombre de sous-style, de lignées, voient progressivement le jour.
Voici la liste des principaux styles officiellement reconnus :
- Style Chen : (陈氏太極拳 ; Chenshi Taiji Quan), fondé par Chen Wangting (陈王廷 ; 1587-1664), 9ème génération de la famille Chen dans le village de Chenjiagou. Le style original a disparût au profit de trois branches :
- Ancienne forme : (老架 ; Laojia), fondé par Chen Changxing (陈长兴 ; 1771-1853), 14ème génération de la famille Chen.
- Petite forme : (小架 ; Xiaojia), fondé par Chen Youben (陈有本 ; 1771-1853), 14ème génération de la famille.
- Nouvelle forme : (新架 ; Xinjia), attribué à Chen Fake (陈发科 ; 1887-1957), 17ème génération de la famille Chen.
- Style Zhaobao : (赵堡), fondé par Chen Qingping (陈清萍 ; 1795-1868), 15ème génération de la famille Chen et disciple de Chen Youben. Le Zhaobao est parfois assimilé au style Chen, puisqu’il s’agit de la même famille. Zhaobao est un village voisin de Chenjiagou.
- Style He : (杨式 ; Heshi), fondé par He Zhaoyuan (和兆元 ; 1810-1890), 16ème génération du Taijiquan et disciple de Chen Qingping. Le style est souvent assimilé au Zhaobao. Les échanges avec la communauté Taoïste de Wudang sont à l’origine d’une version historique divergente de leur pratique, qui par association est également devenue une version de l’origine du Taiji Quan.
- Style Wu : (武氏太极拳 ; Wushi Taiji Quan), fondé par Wu Yuxiang (武禹襄 ; 1812-1880), 16ème gén. du style Chen et disciple de Chen Qingping.
- Style Yang : (露氏太極拳 ; Yangshi Taiji Quan), fondé par Yang Luchan (楊露禪 ; 1799-1872), 15ème génération du style Chen et disciple de Chen Changxing. Il fût le premier disciple du Taiji Quan à ne pas faire partie de la famille, et le premier à en rendre l’apprentissage plus accessible et ainsi à démocratiser l’enseignement.
- Style Wu : (吴氏太極拳 ; Wushi Taiji Quan), fondé par Wu Quanyou (吴全佑 ; 1834-1902), 2ème génération du style Yang et disciple de Yang Luchan. Ce style ne s’écrit pas de la même manière en Chinois que le style Wu de Wuyuxiang, cité précédemment.
- Style Sun : (孙氏太极拳 ; Sunshi Taiji Quan), fondé par Sun Lutang (孙禄堂 ; 1862-1933), 3ème gén. du style Wu de Wu Yuxiang et disciple de Hao He (郝和).
« 入门引路须口授,功夫不息发自修 » ; Rùmén yǐnlù xū kǒushòu, gōngfū bù xī fā zìxiū
« L’initiation doit être guidée par l’instruction, la compétence ne provient pas de sa propre étude »
Les différents types de pratique
Depuis le début du 20ème siècle, le Taiji Quan se démocratise en sortant du contexte d’apprentissage traditionnel réservé principalement aux membres de la famille ou du clan, donnant ainsi naissance à de nouvelles méthodes, de nouveaux objectifs, de nouveaux cadres d’apprentissage. Le « style » de Taiji Quan, n’est donc pas la première source de différence qualitative entre les différentes pratiques contemporaines3. Le mode de transmission est souvent le plus déterminant quand à la qualité et aux objectifs d’enseignement.
Voici une classification que nous proposons, des grands courants de diffusions contemporains en Chine :
- La voie traditionnelle : Est une transmission de type familiale et individualisée, réservée à un nombre limité de personnes plus ou moins proches du maître. A l’instar de l’apprenti du maître artisan, le disciple est formé et accompagné du balbutiement à la maîtrise, et doit à son maître respect et loyauté. Il existe encore plusieurs niveaux, plusieurs différentes qualités de transmissions à l’intérieur de ce système, mais sans distinction honorifiques les unes des autres ; Les disciples les plus proches, comme les enfants, ayant eu toute l’attention du maître sur de longues périodes ; Les disciples plus éloignés, travaillant assidument et suffisamment pour représenter le style à l’image du maître, mais sans posséder l’intégralité des techniques.
- Taiji Quan de Mao : est une expression simpliste pour caractériser ce qui fait la fameuse image d’Épinal du Tai Chi Chuan ; Ces personnes souvent âgées se retrouvant dans les parcs le matin pour pratiquer ensemble sur fond de musique chinoise aux haut-parleurs saturés et à la bande usée, au milieu des musiciens, des danseurs, des joueurs de Badminton et de Pili, alternant la pratique d’une forme douce avec le maniement d’un éventail, soit d’une épée parée d’un pompon coloré. Ce Taiji Quan simplifié est né avant la révolution culturelle dans les grandes villes, au moment où se constituaient les fédérations. Des formes courtes, dépouillées de mouvements toniques et de tout aspect martial, ont été inventés en conservant quelques principes fondamentaux du Taiji Quan. L’objectif était de pouvoir diffuser le plus largement possible une pratique accessible à tous et aux vertus prophylactiques. La plupart des personnes ayant voyagé en Chine auront déjà assisté à ces rituels, sans manquer de constater la souplesse et l’agilité des pratiquants les plus âgés.
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La Boxe fleurie, et pratique universitaire : L’apprentissage du Tai Chi Chuan fait partit des disciplines étudiées en université de Wushu (art-martial). Ces universités de sports-études étudient des formes arrangées à des fins esthétiques en vue de la compétition. Selon leurs aptitudes, les étudiants sont orientés vers une où deux spécialisations parmi les très nombreux styles étudiés. La tenue flamboyante est de rigueur, mais ni la santé ni l’efficacité martiale ne sont au programme. Il n’est pas rare que les étudiants les plus chevronnés se retrouvent avec des séquelles physique bien avant d’avoir 25 ans, et de manière général, tous arrêtent rapidement la pratique une fois sorti de l’école et quelques compétitions de haut niveau remportés. Cette pratique est qualifiée de « Boxe fleurie », terme employé déjà dans le monde traditionnel pour les pratiquants plus soucieux de l’esthétique que de l’utilisation. Selon les titres obtenus lors de compétitions nationales, les compétiteurs diplômés pourront devenir instructeurs en école où en club, et pour les plus chanceux faire quelques temps une carrière internationale. Mais pour la plupart, ils devront renoncer à exercer ce métier et se recycler.
- Sport de combat : Le Tai Chi Chuan n’échappe pas aux règles des sports modernes, et se sont naturellement développées des compétitions de Tuishou (les mains restent en contact). Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’un type de pratique, mais d’une épreuve sportive confrontant en principe des pratiquants de Taiji Quan, ces compétitions avec prix à la clef attirent un public particulier. Un grand nombre de participants sont formés uniquement à la compétition et en négligeant la technique. Cependant, bien que n’étant pas majoritaires, les finalistes de ces compétitions sont le plus souvent des pratiquants issus d’une transmission traditionnelle. Des compétitions de Sanshou (combat libre) ont plus récemment été organisées par la chaîne nationale CCTV5, se rapprochant en particulier des écoles de Chenjiagou afin d’avoir des participants de haut niveau. Pour la première fois, le Taiji Quan est porté par un média de grande écoute, et fait découvrir à un très large public un panel de techniques martiales typique du Taiji-Quan, à la fois efficaces et spectaculaires (frappes des épaules, projections, arm-lock, corps-à-corps, boxe pied-poing). Les règles de ces compétitions permettent d’apprécier tout le panel de ces techniques atypiques.
Pour les clubs occidentaux, l’enseignement est dispensé presque toujours en cours du soir, parfois en journée pour les personnes âgées, et est agrémenté de stages en week-end, stages d’été ect. Plus rares sont les groupes de pratiques constitués dans les parcs de manière durable. Mais malgré ce canevas qui a tendance à niveler le type de pratique, les sources et l’approche des enseignants peuvent être radicalement différente, selon le type de transmission reçu par les enseignants comme énoncé précédemment, ainsi que par la morphologie et la sensibilité de chacun.
A ces cadres de diffusion du Taiji Quan, il convient de rajouter la pratique en hôpitaux décrite ci-dessous.
« 眼神内敛以养神,耳注于息以养气 » ; Yǎnshén nèiliǎn yǐ yǎngshén, ěr zhù yú xí yǐ yǎngqì
« Le regard porté vers l’intérieur nourrit l’esprit, l’écoute attentive nourrit l’énergie »
Les effets sur la santé
Branche de la M.T.C.
Le Taiji Quan (Tai Chi Chuan) est considéré en Chine comme une branche à part entière de la M.T.C. (médecine traditionnelle Chinoise), au même titre que les Qi-Gong, l’acuponcture, le massage ou la pharmacopée. La pratique alors sous la supervision d’un médecin est quotidienne à raison de plusieurs heures par jour et accompagne généralement un principe de traitement. Le rôle thérapeutique du Taiji Quan se situe au niveau de la mobilisation de l’énergie qui va de pair avec la circulation sanguine. La réactivation de l’ensemble du système circulatoire se fait par l’intention, en mettant l’accent en particulier sur les zones stagnantes. Le flux d’énergie dans les méridiens sont en partie des flux électrostatiques répondant au fonctionnement du système nerveux. Ainsi en régulant les mouvements du corps par l’intention, on guide les opérations et les changements de l’énergie du corps et de manière indirecte du sang, et on ajuste les émotions de l’esprit humain favorisant ainsi l’homéostasie. Les études cliniques se multiplient en occident, et de manière plus expérimentale, certains hôpitaux en France intègrent depuis quelques années la pratique du Taiji ou de Qigong pour des groupes de patients en convalescence4.
Intérêt prophylactique
Le Tai Chi Chuan amène progressivement à une détente du corps par sa qualité gestuelle lente et sans force, en recherche d’équilibres mécaniques. Sa pratique offre au corps une pause dans son fonctionnement habituel saccadé, en conservant la force intérieure. Les mouvements étirent les muscles en continu, sans impulsion et sur l’ensemble de leurs faisceaux. Ce mouvement élimine les obstructions et les stases des méridiens, de sorte que la circulation du sang reprend son fonctionnement normal. Ceci est la base la plus importante pour la prévention des maladies, et le maintien de la santé, la longévité, et est le fondement de la science médicale traditionnelle. Elle ne requiert pas de technique très élaborée, mais surtout une attention douce et continue qui fait défaut dans la majeure partie des activités physiques généralement pratiquées, surtout dans le monde occidental. Cependant, lors d’un travail intensif il est recommandé d’avoir une technicité plus rigoureuse avec des alignements articulaires précis.
« 身与心合、心与意合、意与气合、… » ; Shēn yǔ xīn hé, xīn yǔ yì hé, yì yǔ qì hé, …
« L’esprit uni avec cœur, Le cœur uni avec l’intention, L’intention uni avec l’énergie, … »
Sources et influences du Taiji Quan
Le fondateur, Chen Wangting, redoutable guerrier s’étant retiré dans son village natal après une longue carrière militaire, éprouvait des difficultés respiratoires. Ayant étudié les classiques de philosophie dans son enfance, il était convaincu qu’une bonne pratique devait unifier à la fois l’efficacité martiale, la bonne santé, et le respect des classiques philosophiques. Un mouvement, s’il est bon et bien exécuté, doit être cohérent sur tout ces aspects à la fois, élever l’homme dans sa globalité et en harmonie. C’est ainsi qu’avec les années de recherches naquit une synthèse extraordinairement riche. Bien que ne s’appelant pas encore Taiji Quan, la pratique était née.
Les sources du Taiji Quan sont donc multiples sur le plan pratique comme sur le plan théorique. Des mouvements ont été empruntés à d’autres arts-martiaux plus anciens, et combinés pour parvenir aux enchaînements codifiés que nous connaissons. Nous retrouvons ainsi des mouvements provenant entre autres :
- du Hongdong Tongbeiquan ; 洪洞通背拳, forme en 108 mouvement ayant disparu et ancien héritage de la famille Chen. Le style est dit aux mouvements « cisaillant », dont on retrouve naturellement les principes dans le Taiji Quan,
- du Shaolin ; 少林, notamment le Shaolin Taizu Chang Quan 少林太祖长拳, d’où provient entre autres le mouvement « gardien des cieux pile le mortier ». Les Yi Jinjing ; 易筋經, travail sur les moelles et les tendons sont également empruntés au monastère Bouddhiste, puis combinés avec d’autres principes internes pour donner naissance au « déroulé de la soie ». Il est souvent mentionné des échanges entre le temple de Shaolin et la famille Chen qui se comprend par leur proximité géographique,
- du Jixiao Xinshu ; 紀效新書 (Nouveau manuel des méthodes pratiques), méthode du général Qi Jiguang ; 戚繼光, qui mentionne entre autres le mouvement « simple fouet ». Cette méthode condense 16 mouvements, réputés pour être les plus efficaces de 8 styles d’arts-martiaux les plus importants, afin de former l’armée impériale. En tant que haut officier militaire, Chen Wangting est naturellement au fait de ces méthodes qu’il doit lui même employer pour former ses troupes.
Les méthodes de pratique sont élaborées en respects de grands classiques de la littérature chinoise, comme ;
- le Yi Jing ; 易经, le « Livre des Mutations »,
- le Sunzi Bingfa ; 孫子兵法, « l’Art de la Guerre » duquel sont tirés d’importants principes comme « Connaître l’autre sans se laisser connaître », « Aller à l’est pour frapper à l’ouest ».
- le Huangtingjing ; 黃庭經, le livre de la cour jaune. Traité Taoïste basé sur la vision microcosmique de l’homme dans sa relation à l’univers et en lien direct avec la médecine, qui est tout autant un traité pratique de Qi-Gong que de philosophie.
Histoire ; Origine de la famille Chen
La famille Chen du village de Chenjiagou de la province du Henan où est né le Taijiquan, est originaire du Shanxi. Chen Bu (陈卜 ; Chén Bǔ), partit du Hongdong pour Chenbuzhuang en 1372, et de Chenbuzhuang au village de Changyang (qui deviendra Chenjiagou) deux ans plus tard5.
Contexte politique
À la fin de la dynastie Yuan (元 1271-1368), le pays était plongé dans le chaos, les masses vivaient dans la plus grande pauvreté et les soulèvements éclataient dans tout le pays. Avant son accès au trône, Zhu Yuanzhang (朱元璋 premier empereur de la dynastie Ming 明) fit graduellement cesser les soulèvements et rétablit l’ordre dans le pays. Lorsque les soldats des Ming attaquèrent dans le nord la préfecture de Huaiqing (怀庆; aujourd’hui la ville de Qinyang 沁阳), ils firent face à une forte résistance d’une garnison de la dynastie Yuan, et les affrontements firent de nombreux tués et blessés. Une fois que Zhu Yuanzhang monta sur le trône, il retourna sa haine sur la population de la préfecture de Huaiqing; il envoya ses troupes « nettoyer » le Huaiqing à trois reprises et fit massacrer des innocents. Après ces trois « nettoyages » de la préfecture et de ses huit comtés, un domaine de milliers de kilomètres carrés fût couvert de cadavres et de sang, si bien qu’aucune culture ne puisse être vue.
Le Grand Acacia (大槐树 ; Dà huái shù)
Comté de Hongdong (洪洞), Province du Shanxi (山西).
Selon les registres historiques, de 1368 à 1372, Zhu Yuanzhang organisa trois grandes migrations massives et forcées de population de la province de Shanxi (l’une des plus peuplée de Chine à cette époque). Il régula ainsi les densités de population en considérant les effets des guerres. La première migration se fit à l’emplacement d’un vieil acacia (Huaishu). Cet acacia est toujours debout et fait l’objet de visites. Un dicton dit à ce propos que « les ancêtres viennent du grand acacia ».
En 1372, un homme ordinaire du conté de Hezhou Jincheng du village de Dongtuhe, Chen Bu, fuit la famine avec toute sa famille. Il y fut également forcé par les officiers du gouvernement. Chen Bu, homme honnête et sincère, était habile au combat. En chemin il aida ceux qui en danger en avait besoin et fut donc très respecté des autres immigrants. Ils traversèrent de nombreuses épreuves et contrées sous la pression des fonctionnaires qui les poussaient, et cela jusqu’à ce qu’ils atteignent la préfecture de Huaiqing. Chen Bu qui connaissait le Feng Shui, vit la région dans la partie sud-est de la préfecture avec le fleuve Jaune au sud et les montagnes Taihang au nord, qui possédait des étendues de terrains plat à perte de vue et des sols fertiles. Il trouva la région très bonne et décida de s’y installer. Avec les autres immigrants, ils nettoyèrent l’endroit des cadavres en putréfaction, coupèrent les « chardons et les épines », construisirent des maisons de terre et les recouvrèrent de toits de paille. C’est de cette manière que le village s’érigea. Car Chen Bu était un homme à l’esprit civique, les immigrants qui vinrent avec nommèrent le village Chen Bu Zhang (Village de Chen Bu). Le nom du village resta inchangé en dépit de nombreuses réformes administratives.
Village de Chenjiagou
Deux ans plus tard, parce que Chenbuzhang était à faible altitude et car le sol était alcalin, Chen Bu décida de trouver un endroit plus haut pour s’installer. Ainsi, pendant la saison creuse, il prit des réserves et se mis à faire des investigations. Un jour, Chen Bu vit une crête appelée Qing Feng Ling (crête du vent vert) à la lisière du fleuve Jaune. Cette crête, bien que n’étant pas très élevée formait un écran naturel qui protégeait des crues du fleuve Jaune. Il y avait un village sur la crête, nommé Chang Yang. Au sud s’y trouvaient des rives sablonneuses et au nord dse trouvait un haut monticule appelée Hu Tou Gang (monticule de la tête de tigre), très élevé et bien irriguée par les eaux de pluie. Le village était ensoleillé et à l’abri du vent si bien que les cultures seraient garanties même en période de sécheresse ou de pluies excessives. Chen Bu en était très satisfait. Cependant il entendit les villageois dire qu’il y avait de nombreux bandits cachés dans les collines avoisinantes, qui en sortaient fréquemment voler les ménages. A de nombreuses reprises les villageois en informèrent le gouvernement local mais les officiels n’envoyèrent aucune troupe pour faire disparaître les bandits. Comme Chen Bu était un excellent combattant, il se gaussa de cela. Là dessus il fixa la date et s’installa avec toute sa famille depuis Chenbuzhang dans le village de Changyang.
La renommée du Clan Chen
Dès que Chen Bu fut installé, il vit en effet les bandits venir constamment depuis les collines avoisinantes pour molester ses habitants et piller leurs maisons. Indigné, Chen Bu conduit plus d’une centaine de disciples et d’hommes forts et jeunes du village. En s’appuyant sur les excellents principes de la boxe transmises par ses ancêtres, ils attaquèrent les bandits et les balayèrent d’une seule offensive. Alors, la célébrité de Chen Bu se propagea subitement dans les villages voisins et tous les jours de plus de plus de gens venaient des quatre coins de la région pour apprendre la boxe avec lui.
Chen Bu établit une école d’art martiaux dans le village et acceptait les étudiants et transmettait son savoir. Grâce à son école, l’art martial hérité de ses ancêtres combiné à d’autres styles que Chen Bu apporta du Shanxi devint propre au Clan des Chen, et se développa rapidement et largement. Plus de deux cents ans plus tard, les descendants de Chen Bu furent de plus en plus nombreux. La famille se perpétua jouissant d’un grand prestige alentour. Comme il y avait une tranchée dans le village, la population changea le nom du village de Changyang pour Chenjiagou (Tranchée de la famille Chen).
Chenjiagou à l’époque de Chen Bu n’a probablement que très peu changé jusque dans les années 2000.
Histoire ; Le fondateur du Taiji Quan
Une étoile brillante dans le ciel des arts-martiaux5
Dans le milieu du règne de l’empereur Wanli (1573-1620), nacquit Chen Wangting (陈王庭 ; Chén Wángtíng : 1587-1664 ou 1600-1680), de la neuvième génération du clan des Chen de Chenjiagou. Son grand père, Sigui avait la position de Dianshi, et son père, Fumin, de Zhengshilang (positions officielles sous l’autorité de la magistrature du compté). Wangting était le deuxième des quatre fils de Fumin. Chen Wangting était très talentueux, et étudia très dur depuis sa plus tendre enfance, pratiquant l’art-martial le matin et étudiant les classiques des écoles de pensée traditionnelle les soirs. Il fut un étudiant hors du commun dans ces deux domaines.
Il devint un homme érudit et exceptionnellement compétant dans la boxe et l’usage des armes, avec d’extraordinaires compétences de Qinggong (輕功, compétence en légèreté, comme monter des murs élevés où se déplacer sur les toits). Dans son jeune âge il escorta les caravanes marchandes dans la province du Shandong et vainquit des hordes de bandits ; les voleurs et les brigands tremblaient avec effroi en entendant son nom. Comme Chen Wangting avait le regard rouge et solennel, une longue barbe, qu’il avait l’habitude de monter un cheval noir et portait une vieille hallebarde, un ami lui donna le surnom de « Second Maître Guan » (Guan Yu ést un héro d’une nouvelle « le roman des trois royaumes »). Durant le règne de Chongzhen (1628-1644) de la dynastie des Ming, Chen Wangting fut promu en tant que magistrat du comté et était en charge de la garnison cantonale.
A la fin de la dynastie Ming, Chen Wangting, vint participer à l’examen de Wuju (examens impérial au niveau provincial). Il excella à l’épreuve du tir à l’arc (avec tant de précision que chaque nouvelle flèche expulsa et remplaça la précédente), éliminant ainsi les autres participants. Toutefois, les choses tournèrent mal et Chen tua une personne durant l’examen, l’obligeant à fuir immédiatement, et il se rendit à Dengfend pour rejoindre le leader du soulèvement paysan, Li Jiyu, et éviter le malheur.
Plus tard, Chen Wangting revint dans son village pour vivre en isolement. Lorsque le soulèvement eu été vaincu et Li Jiyu et sa famille condamnés à mort, l’un des officiers haut gradé de Li, Jiang Fa, se déguisa et alla à Chenjiagou en se proposant comme servant. Afin de tromper les gens de l’extérieur, tout le monde à Chenjiagou appela Jiang Fa, « Jiang Bashi » (Bashi était dans l’ancien temps le nom pour les ouvrier agricoles saisonnier). Chen et Jiang étaient connu publiquement comme maître et servant, mais en réalité ils étaient de très bons amis, échangeant chaque jour leurs compétences martiales, labourant et instruisant les jeunes. Il y a de nombreuses expressions qui sont restées à Chenjiagou, comme « les héros des montagnes Yudai devinrent amis », « Chen Wangting accepta Jiang Fa comme son frère », et bien d’autres.
Jiang Fa, qui fut l’ami et le disciple de Chen, eut une certaine contribution lorsque Chen Wangting créa le Taijiquan. Son nom fut plus tard également mentionné dans les manuels de boxe. Sur la représentation de Chen Wangting, qui est toujours conservée dans le tombeau de la famille Chen, Jiang Fa est illustré se tenant derrière Chen et portant sa hallebarde.
Notes
1. Le terme « Gongfu », souvent écrit « Kung-Fu » est un terme chinois qui est passé dans la langue française. On le trouve d’ailleurs maintenant dans le Larousse avec la définition suivante : « Art martial chinois, constituant à la fois une forme de culture physique et un sport de combat à mains nues, assez proche du karaté, mais faisant une place plus grande aux techniques de jambes. ». (fr) www.larousse.fr/dictionnaires/francais/kung%2Dfu. Kung-Fu, est également une technique de tir en handball. Mais il s’agit là d’interprétations du terme, et non d’une traduction. C’est pourquoi, pour ce terme comme pour les autres, nous préférons utiliser la transcription du chinois PinYin (transcription phonétique internationale officielle), plutôt que l’ancienne transcription phonétique Française, dont l’utilisation est elle aussi très Française.
Le terme GongFu, (功夫 ; gōngfū), signifie en réalité : Expérience / Compétence / Habilité. Il s’agit du savoir faire réèl que l’on acquière avec le temps et la répétition des exercices. Le gongfu s’acquière doucement, et cela tant que l’exercice et poursuivit. Si l’on arrête de pratiquer, le Gongfu disparaît progressivement. Ce n’est pas propre aux arts martiaux. Le terme peut être employé pour toute personne ayant acquise un savoir faire, comme pour un artisan, un sportif, ou même pour un intellectuel. Le Gongfu est un potentiel d’énergie, qui se forge et prend une forme particulière selon les exercices pratiqués. Il a donc une relation avec le corps, qui est le support organique de l’énergie. C’est pourquoi, dans les arts-martiaux ce terme est beaucoup plus utilisé que dans n’importe quel autre domaine.
2. Il existe des qigong dur (难气功 ; nán qìgōng), qui proviennent des arts-martiaux externes et renforcent l’énergie externe (外气 ; wàiqì). Il existe des qigong internes, provenant des arts-martiaux interne, et développent l’énergie interne (内气 ; nèiqì) ou la force interne (内力 ; nèiLì). A ce sujet la M.T.C. offre une classification précise des différents type d’énergies, de leurs processus et fonctions physiologiques ; Le Qi correct (正气 ; zhèng qì) ; Le Qi originel (原气 ; yuán qì) ; Le Qi véritable (真气 ; zhēn qì) ; Le « Qi défensif » ou « Qi protecteur » (卫气 ; wèi qì) ; Le « Qi nourrissant » ou « Qi nourricier » (营气 ; yíng qì) ; Le Qi de rassemblement (宗气 ; zōng qì). Il faut mentionner l’ouvrage de Chen Xin (traduit en Anglais) qui développe avec précision toute la théorie du Taiji Quan.
3. L’étude de différentes familles de pratiquants de Taiji Quan proches des origines et en différents styles, révèle qu’il n’existe pas de différence technique fondamentale entre les transmissions traditionnelles des différents styles officiels de Taiji Quan. Par exemple, en analysant de près les modes de transmissions traditionnelles dans des styles Chen et Yang, nous retrouvons les mêmes composantes internes, ainsi que les même méthodes d’apprentissage par étapes et selon l’âge, à savoir : travail très bas de déverrouillage articulaire ; puis travail très marqué sur les mains avec de la force dans les membres au passage à l’étape martiale ; puis un travail beaucoup plus haut et relâché en allant vers les méthodes internes. Les compétences observées sont également très proches entre pratiquants pourtant très éloignées dans la généalogie, et les différences sont plus souvent le fait de différences morphologiques et de sensibilités.
Références – Bibliographie
Références :
- (en) The illustrated canon of Chen family Taiji Quan. Chen Xin (Chen Pin San). 1919. Traduit en anglais par Alex Golstein. INBI Matrix Pty Ltd, Chine, 2007. ISBN-13 : 978-5-98687-008-5
- (fr) Interview de Maître Zheng Xudong. Extrait DVD Taiji Quan traditionnel style Chen. Institut Chuan-Tong. 2003
- (fr) Thierry Sobrecases. Programme 33/France Télévision. Qi gong et médecine chinoise à l’hôpital la Pitiè-Salpétrière, Paris (Vidéo). 2015. Disponible sur : www.youtube.com/watch?v=5UheCoWgXuQ
- 4. (fr) Sophie Ronsin. Magazine l’Express. Dr Luce et Miss Tai-chi (en ligne). 2007. Disponible sur : www.lexpress.fr/informations/dr-luce-et-miss-tai-chi_681191.html
- 5. (cn) « Chen Family Taijiquan – Ancient and Present » published by CPPCC (the Chinese People’s Political Consultative Conference) Culture and History Committee of Wen County, 1992. (en) Traduction anglaise Jarek Szymanski 1999. Visible sur : www.chinafrominside.com/ma/taiji/TJQorigins.html
- (cn) Qi Jiguang ; 纪效新. Jixiao Xinshu ; 紀效新書 (Nouveau livre de disciplines pratiques, chap. 14 Quanjing 拳经). 1561 (Taibei: Taiwan Commercial Press, 1978)
- (en) An English translation of general Qi Jiquang’s « QUANJING JIEYAO PIAN » (Chapter on the fist canon and the essentials of nimbleness). Clifford Michael Gyves. University of Arizona : Department of east Asian studies. 1993. Visible sur : www.dtic.mil/dtic/tr/fulltext/u2/a268051.pdf
- site:www.taijiren.cn : (cn) Site des registres officiels de la famille Chen
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©Samuel Sclavis 2016. Avec le concours de Zheng Xudong