Neijia ; Art martial interne
Le Taiji Quan (Tai Chi Chuan) fait partit des arts-martiaux interne (Neijia).
Qualifier un art comme étant « interne », pose de facto une opposition à un art qui serait « externe ». Pourtant, dans tout les cas, le corps est le même. Il est constitué d’organes et de processus internes, concomitamment avec des parties visibles, et en interaction physique avec l’environnement. Il n’appartient pas aux arts internes de posséder des circulations sanguine et énergétique, ni aux arts externes de posséder des membres et d’être en relation.
Toutefois, la conscience est capable de focaliser et de développer des compétences à différents niveaux. C’est en cela que l’opposition entre art interne et art externe se justifie.
Cet article ne constitue aucunement une quelconque méthode d’approche du travail interne. Cette vulgarisation a d’avantage pour objectif de satisfaire la curiosité du néophyte, afin d’éviter les grands clichés de l’énergie et de la visualisation. La visualisation ne peut être construite que sur sa propre expérience physique et sensorielle, et ne saurait être transmise directement. Cela serait comme tenter d’expliquer à un non voyant la couleur bleue où rouge. Il faut plutôt lui apprendre à développer des yeux, par la suite, il se rendra compte de lui même ce que signifie telle où telle couleur.
Le regard porté vers l’intérieur
Un art martial est une technique destinée à livrer bataille. La pratique, est une préparation du premier outil, qu’est le corps. Les éventuelles armes viennent comme une extension, donnant de nouvelles habiletés. Cela est propre à tout les arts martiaux.
Cette préparation peut se comparer à une lame que l’on aiguise. C’est la partie extérieure et visible. La partie intérieure et invisible, est la composition interne de l’outil. On retrouve cela à l’étape de la forge pour l’épée où le sabre. Mais la comparaison s’arrête là, car le corps est un outil vivant et agissant en conscience.
On dit dans la pratique d’un art interne, que le regard doit être porté vers l’intérieur. Il ne s’agit en fait pas seulement du regard, mais de l’ensemble des sens qui peuvent être extéroceptifs ou proprioceptifs. Comme la main est le guide (non le moteur) des membres et du corps, le regard est le guide des sens. Pour une pratique équilibrée et efficace, l’intérieur et l’extérieur doivent aller ensemble. Il faut donc pour cela que le regard, guide des sens, et les mains, guident du corps, agissent ensemble.
Pour être pleinement dans la démarche du Tai Chi Chuan, il faut non seulement avoir acquis cette conscience interne et avoir forgé le corps en profondeur, mais aussi savoir engendrer le mouvement de l’intérieur en interaction avec l’extérieur.
內家 ; nèi jiā
Principes généraux
Les trois unités externes
- L’épaule avec la hanche
- Le coude avec le genou
- La main avec le pied
Les trois unités internes
- Le coeur avec l’intention
- L’énergie avec le mouvement
- Les os avec les tendons
Principe d’engendrement
- L’esprit guide le cœur
- Le cœur guide l’intention
- L’intention guide l’énergie
- L’énergie guide le mouvement
&
- Le corps guide la main
La main guide le pied
Expressions courantes
« 用意不用力 » ; Yòng yì bù yòng lì
« Utiliser l’intention, pas la force »
« 相连不断 » ; Xiāng lián bù duàn
« Unifier et ne pas casser »
« 虚实分明 » ; Xū shí fēn míng
« Le vide et le plein sont clairement distincts »
« 上下相随 » ; Shàng xià xiāng suí
« Monté descente s’engendrent réciproquement »
« 内外相合 » ; Nèi wài xiàng hé
« L’intérieur et l’extérieur vont ensemble »
« 龙形虎步 » ; Lóng xíng hǔ bù
« Corps du dragon et pas du tigre »
« 含胸拔背,含胸塌腰 »
; Hán xiōng bá bèi, hán xiōng tā yāo
« Vider la poitrine, ouvrir le dos. Vider la poitrine, ramener aux reins ».
L’intention
Les composantes internes du Taiji Quan sont nombreuses et possèdent chacune une méthodologie particulière. Aucune zone du corps ne doit être ignorée, on dit sinon qu’elle est morte. Tout doit être fluide, vivant (灵活 ; líng huó). Cela concerne les membres, qui agissent selon les « trois unités externes », ainsi que les viscères, les organes et les facultés psychiques qui agissent selon les « trois unités internes ».
Après avoir structuré les parties les plus externes du corps, par les positions et les alignements, le renforcement, la souplesse articulaire et musculaire, la coordination, l’équilibre; alors le travail d’intention, qui est la clef d’accès vers le travail interne, devient possible et prend du sens.
L’évolution vers le travail interne se fait conjointement à deux niveaux : sur la qualité et le mode concentration, incluant la perception, l’action et l’orientation ; et sur la mobilisation interne, incluant la connaissance physiologique par la sensation.
L’intention, est la méthode d’application de la volonté. Certaines expressions permettent de qualifier la nature cette intention caractéristiques du Tai Chi Chuan.
Cela est la notion la plus délicate à transmettre. Elle requiert le contact qu’offre le cadre d’une transmission orale, et doit être complété par l’expérimentation personnelle. En exposer la théorie trop longtemps offre le risque de procurer des images abstraites, qui peuvent faire perdre l’esprit dans un imaginaire. La compréhension doit donc passer par la sensation, elle même provenant de l’exercice physique et de l’attention porté lors de cet exercice. L’explication théorique ne vient alors que pour conforter ce qui tombe déjà sous le sens. Pour cette raison, les lectures portant sur les processus sont le plus souvent nuisible aux pratiquants. Les éléments donnés ici ont d’avantage comme objectif de familiariser les pratiquants avec le vocabulaire fréquemment employé.
L’approche par le schéma corporel externe
Le schéma corporel global se découpe entre la partie haute et la partie basse du corps dont on dit qu’ils se meuvent comme dragon et tigre. On parle plus simplement du « corps du serpent » pour qualifier l’effet d’ondulation musculaire autour et le long de la colonne, étant le produit du travail des membres supérieurs et de la taille. Il est en effet plus simple de se représenter un serpent qu’un dragon. De la même façon, on parle de « pas du chat » pour qualifier les déplacements, qui tout en étant assurés, sont souples et légers, et donnent la capacité de bondir à chaque instant avec puissance. A nouveau, il est plus commun de se faire une bonne idée d’un chat plutôt que d’un tigre.
Une deuxième classification, en respect des classiques de médecine, découpe le corps en trois sections : Le bas, le milieu et le haut. Soit les jambes, le tronc, et la tête. Ces trois sections sont également en rapport avec les trois types de vertèbres (lombaires, dorsales et cervicales), ayant chacune leur réseau de nerfs périphériques correspondant, et leur rôle psycho-moteur. Le travail sur ces trois sections consiste essentiellement à conserver l’alignement de la colonne vertébrale pour ne pas rompre la transmission de la force.
Ce sont ces premiers éléments qui qualifient le travail à effectuer pour mettre en circulation l’énergie et le sang dans l’ensemble du corps, et pour ensuite aller vers une mobilisation interne en cohérence avec le geste.
Le schéma corporel interne
Le schéma corporel interne est quand à lui abordé par le travail de la poitrine dans son mouvement d’ouverture et de fermeture. Il faut prévenir à ce sujet, que le mouvement du diaphragme, soit de la respiration, ne joue qu’un rôle indirect, comme dans toutes les autres étapes de la pratique. Bien qu’elle joue un rôle important, il est absolument proscrit de partir de la respiration pour obtenir le mouvement. Au contraire, la respiration se produit comme une conséquence du mouvement. D’autre part, les types de respirations en fonction de l’emploi du mouvement ainsi que le rythme de la pratique peuvent être autant d’éléments variants voir contradictoires.
Ce travail une fois mis en place, l’abdomen joue le rôle d’une pompe qui « puise l’énergie du sol » (ce qui correspond à un mouvement drainant vers le haut, prévient des descente d’organes, de l’affaissement du rachis …), puis de propulseur, soit vers l’explosivité, l’extériorisation, soit pour reconduire cette énergie vers le bas pour nourrir le corps, notamment le ventre et les reins. Au fur et à mesure, les viscères et les réseaux de tissus conjonctifs s’assouplissent en même temps que les muscles. Combiné avec le travail d’alternance des reins et de rotation de la taille, un mouvement circulaire s’imprime dans le ventre, tel une « boule d’inertie » tournant autour du nombril et prenant progressivement de la vitesse et de la force.
A cette étape de haut niveau de pratique, les trajets interne sont étudiés avec plus de précision selon la physiologie énergétique Chinoise. L’étude est toujours en relation avec la prophylaxie et l’utilisation martiale.
Une telle approche de la pratique demande un travail quotidien sur de nombreuses années. Il existe toutefois des exercices de Taiji-Qigong nommés également Chansi-Gong, agissant comme des raccourcis et pouvant être employés en vue d’un sule effet prophylactique. L’efficacité martiale quand à elle ne pourra faire l’économie de la rigueur du travail physique préalable et de l’apprentissage de la forme.
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©Samuel Sclavis 2016